DR MAMADOU MOUSTAPHA DIOP, DIRECTEUR DE LA LUTTE CONTRE LES MALADIES / « DES RESULTATS PROBANTS ET DES PROGRES NOTABLES SONT ENREGISTRES DANS LA LUTTE CONTRE LES MALADIES TRANSMISSIBLES ET NON TRANSMISSIBLES AU SENEGAL »

Dans cet entretien exclusif accordé à afriksante.org et 116poste.com le Dr Mamadou Moustapha Diop, Directeur de la Lutte contre les Maladies (DLM) au Ministère de la Santé et de l’Action sociale est revenu de manière précise sur l’affaire des pèlerins sénégalais revenus de la Mecque positifs au test de la Covid 19. L’expert médical et homme du sérail plaide pour le Sénégal et l’Afrique l’urgence du défi de la souveraineté médicale et vaccinale. La blouse blanche n’a pas manqué de saluer les initiatives et les mesures des nouvelles autorités du pays à propos de la dialyse, des cancers et des urgences sanitaires. 

POUVEZ-VOUS  VOUS  PRÉSENTER  A  NOS SUIVEURS

Je suis le Dr Mamadou Moustapha DIOP. Je suis médecin de santé publique et Directeur de la Lutte contre la Maladie au niveau du MSAS depuis Juin 2022. Notre Direction s’occupe de l’organisation, de la surveillance, de la prévention et de la prise en charge des maladies transmissibles, non transmissibles, négligées et aussi la santé mentale et la santé bucco-dentaire.

VOUS ÊTES A LA  TÊTE  DE  LA DIRECTION  DE LA LUTTE CONTRE LES  MALADIES  (DLM) DU  MINISTÈRE  DE LA  SANTÉ  ET DE DE  LACTION  SOCIALE.  POUVEZ-VOUS NOUS FAIRE L’ÉTAT DES LIEUX DE VOTRE DÉPARTEMENT?

 Au niveau de la DLM, nous avons fait comme chaque année le rapport de performance avec la participation effective des responsables des programmes et chefs de division, avec les résultats suivants : En ce qui concerne les Maladies Transmissibles  notamment le Paludisme, le Sénégal ambitionne l’objectif de l’éliminer en 2030 avec 0 cas. Il y a moins de 5 cas pour 1000 enregistrés en 2023 au niveau des 38 districts sur les 79 que compte le pays. Il y a cependant une forte incidence dans la zone KKT (Kolda, Kédougou et Tambacounda) : qui concentre plus de 80% des cas de paludisme du pays et près de 60% des  décès.

 S’agissant de la Tuberculose, le Sénégal ambitionne également l’objectif son élimination en 2035. C’est-à-dire avoir moins de 10 cas de TB pour 100 000 personnes. Au lieu de 112 pour 100 000  actuellement. La couverture du traitement de cette maladie s’est également améliorée passant de 70 à 81% entre 2022 et 2023. Idem pour le succès thérapeutique qui est de 90% en fin 2023.

Pour le VIH, notre pays ambitionne aussi l’objectif de l’éliminer en 2030. C’est-à-dire atteindre les 3 X 95. A savoir le 1er 95% : C’est de pouvoir Détecter au moins 95% de personnes vivant avec le vih (PVVIH). Et pour  le 2eme 95% l’ambition de notre pays est de Mettre sous traitement ARV au moins 95% des cas détectés. Tandis que le 3eme 95% pour le Sénégal est d’avoir au moins 95% des cas traités avec charge virale indétectable. Dans la croisade contre le Vih,  le Sénégal a amélioré la couverture du traitement qui est passée de 70 à 81% entre 2022 et 2023. Un succès thérapeutique à 90% en fin 2023 a aussi été enregistré.

 Pour les hépatites, notre pays ambitionne de même à les éliminer en 2030 tout en réduisant  leur incidence de 90%. Actuellement le taux de prévalence est de 6% pour le VHB. Il faut dire aussi que quelques avancées majeures ont été notées pour les hépatites. C’est grâce à la disponibilité et la gratuité du vaccin contre l’Hépatite B depuis 1999. (Un vaccin qu’on donne au bébé à la naissance). Le traitement avec le Tenofovir est aussi disponible. Tout comme la systématisation du dépistage, l’Opportunité du Projet de Recherche, entre autres la formation et PEC des malades et la Forte diminution prévalence chez les enfants (0.1%) du fait de la vaccination (Etude de Niakhar)

QUELLES SONT LES CHIFFRES CLÉS  POUR LES MALADIES NON TRANSMISSIBILES (MNT) ET LES MALADIES TROPICALES NÉGLIGÉES (MTN) ?

 Concernant les Maladies Non Transmissibles (MNT) Comme l’HTA, le  diabète, les maladies respiratoires, les maladies rénales chroniques et le Cancer, l’enquête STEPS de 2015 a révélé :   la Prévalence de l’hypertension artérielle (HTA) est de 28 % alors que celle du Diabète est de 3,6 %. Quelques réalisations majeures  ont été faites dans la lutte contre ces maladies. Il s’agit de l’élaboration d’un plan national d’accélération de lutte contre les MNT, et la mise en place d’un registre du cancer pour disposer de données nationales en 2022. Il en est de même un total de 40 centres de dialyse qui existe au niveau du pays en 2024, dont 26 dans le public et 14 dans le secteur du privé. Comparé en 2010 où seuls trois centres de dialyse existaient dans le secteur du public. Toujours dans le chapitre des réalisations, l’Etat a rendu gratuit le traitement de la dialyse dans le public sans compter le démarrage tout récemment de la Transplantation rénale. Pour les cancers gynécologiques, la prise en charge de la chimiothérapie est également gratuite dans notre pays. 

 S’agissant des Maladies Tropicales Négligées (MTN) il en existe 15 endémiques au Sénégal. Le Noma est la 15eme. L’on distingue selon les objectifs visés avec l’éradication dans le pays de la transmission de la dracunculose. L’élimination de l’onchocercose, la trypanosomiase humaine africaine et la lèpre font également partie des objectifs. Tout  comme l’élimination en tant que problème de santé publique de la Filariose  lymphatique, le Trachome, la Schistosomiase, les Géohelminthiases et la Rage). Le Contrôle  des Leishmanioses (cutanée), la Gale et autres ectoparasitoses, ainsi que l’Envenimation par morsure de serpent et le Mycétome  et autres mycoses font également partie des objectifs phares de la DLM.

AVEC LE  NOUVEAU RÉGIME  EN  PLACE   L’ESPOIR  EST-IL  PERMIS   POUR  L’ATTEINTE  DES  OBJECTIFS   POUR. UNE   SANTÉ  POUR  TOUS ?

 Nous fondons beaucoup d’espoirs avec le nouveau régime pour l’atteinte des objectifs. Nous félicitons déjà le nouveau Ministre Dr Ibrahima Sy pour sa nomination et saluons déjà les premières mesures prises et surtout la Prise en main des dossiers urgents concernant la dialyse, les cancers et les urgences sanitaires.

AVEC  L’ARRIVÉE  DES  DERNIERS  PÈLERINS  SÉNÉGALAIS DE  LA  MECQUE CHEZ QUI FUT DÉTECTÉE LA COVID,  LE MINISTRE DE LA SANTÉ A DU INTERVENIR POUR ÉTEINDRE UNE POLÉMIQUE. QU’EST-CE QUI S’EST RÈÈLLEMENT PASSÉ ?

 J’ai l’honneur cette année d’être désigné par le MSAS comme chef de Mission pour la couverture sanitaire du Hajj 2024. Nous avons convoyé près de 12 860 pèlerins sénégalais dont 11 000 par le Privé et 1 860 par le Public. Nous avons également cette année, élaboré un manuel de procédures de la couverture sanitaire du Hajj en relation avec la délégation générale au Pèlerinage (DGP) et les autres secteurs ministériels dans une démarche One Health. Ce fut une activité très importante et une forte recommandation des éditions passées. En substance, le manuel nous dit de façon harmonisée les critères d’aptitude, d’inaptitude et surtout ce que nous devons faire durant toutes les étapes du Hajj (Dakar, Médine, Mecque, Mouna, Arafat, Mousdalifa etc.) à l’Aller comme au Retour. Nous avons installé des Points de prestation de service dans toutes les étapes pour prendre en charge les besoins en santé des pèlerins en relation avec nos collègues médecins saoudiens.

 Le bilan effectivement a montré que plus de 80% des pèlerins souffraient d’affections respiratoires : Toux, éternuement, écoulement nasal, fièvre, courbatures évoquant la grippe. Il en était de même pour tous les autres pèlerins des autres pays.  Nous les avons pris en charge durant tout le Hajj et nous n’avons  pas noté jusque-là de cas graves ayant nécessité une évacuation ou une hospitalisation. Alerté, le Ministère de la Santé et de l’Action sociale a mis un dispositif de dépistage avec nos laboratoires de référence et de prise en charge. Les résultats ont effectivement montré qu’il s’agissait de COVID 19 dans plus de la moitié des prélèvements effectués. C’est ainsi que le ministère a recommandé les mesures suivantes à tous les pèlerins : de Consulter la structure de santé la plus proche en cas de symptômes, le Port du masque en cas de symptômes et d’Eviter d’organiser les cérémonies de « Nganalé »

 LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE A ÉVOQUÉ LORS DE SA PARTICIPATION AU SOMMET DU GAVI,  DE  LA NÉCESSITÉ D’UNE SOUVERAINETÉ  VACCINALE  ET. MÉDICAMENTS   EN AFRIQUE.  QU’ELLE SERA L’ATTITUDE DU SÉNÉGAL ?

 L’option prise par le Sénégal est d’assurer sa Souveraineté vaccinale et pharmaceutique. Une des leçons apprises de la gestion de la pandémie COVID 19 a montré que les Etats doivent œuvrer à assurer leur propre Souveraineté dans ces domaines. Le MSAS dispose déjà d’un plan de relance de l’industrie pharmaceutique et aussi a entamé dans la zone de Diamniadio une unité de productions.

Propos recueillis par Cheikh Tidiane MBENGUE