CELEBRATION DES 40 ANS DE SOS RACISME A DAKAR / L’AMBASSADEUR ITINERANT FODE SYLLA TOUJOURS A LA POINTE DU COMBAT

La lutte contre le racisme est un combat de tous les jours mené et porté par des hommes de conviction de la trempe de Fodé Sylla de SOS racisme. Dans l’entretien qu’il a accordé à 116Poste lors de son séjour dans la capitale Sénégalaise, il a annoncé la tenue d’une importante rencontre internationale pour célébrer les 40 ans de lutte contre le racisme au mois d’octobre prochain à Dakar. Un événement très attendu qui verra la participation d’autorités étatiques, administratives, judiciaires, policières, membres d’associations des droits de l’homme en provenance en particulier d’Europe, des Etats-Unis d’Amérique, de l’Afrique et d’autres pays du monde. En retrait depuis quelques années, Fodé Sylla continue néanmoins de traduire son engagement et sa détermination à toujours servir la cause d’un combat qui anime sa vie.

Depuis votre retrait de SOS Racisme dont vous avez été l’un des animateurs les plus en vue, on ne vous voit plus comme avant dans ce combat contre la ségrégation raciale, le racisme l’exclusisme et les privations de liberté. Fodé Sylla a-t-il abandonné ce combat ?

D’abord j’ai envie de dire qu’on ne nait  pas anti raciste on le devient. Une fois qu’on est imbu des principes des droits de l’homme, on est jamais en retrait.  Moi je rêve d’un monde où l’on n’aura plus besoin de SOS racisme, parce que le racisme aurait disparu. Malheureusement les racistes comme disait Léopold Sédar Senghor, sont des gens en colère, des frustrés face à des difficultés socio-économiques. Évidemment, il est très facile de considérer les noirs, arabes, mexicains, les musulmans, les étrangers comme des boucs émissaires, responsables des difficultés et des crises vécues dans la société. Il importe de trouver plutôt des solutions collectives, au lieu de pointer un doigt accusateur sur d’autres catégories sociales de la société.

Pour moi  ce combat contre le racisme est un combat structurant pour chaque génération qui doit œuvrer pour le vivre ensemble.  Et ceci partout dans ce monde. Comme aux Etats Unis où les américains de souche doivent vivre en harmonie avec les mexicains, les afro américains. Tout comme en France où les musulmans doivent vivre ensemble avec les catholiques. De  partout, nous avons besoin de sociétés apaisées. Malheureusement, il y a des gens qui attisent toujours la haine. C’est ce qui donne sens et explique la raison d’être de SOS racisme. Aujourd’hui SOS racisme est moins médiatique, il est aussi moins un phénomène de mode.

Est-ce qu’on peut relever des acquis de votre combat ou autrement pouvez-vous nous en définir quelques mutations dans la société française ?

Les bases que nous avons posées ont fait des progrès énormes. Quand j’étais président de SOS racisme dans les années 90, la question qui se posait était de savoir si les jeunes d’origine étrangère sont de nationalité française ou pas. Aujourd’hui cette question est réglée. Ces jeunes sont considérés comme des Français.

Autrefois aussi, il y avait des difficultés autour de l’existence et de la création des mosquées. Maintenant les mosquées pullulent partout en France. Mieux, la France est devenue l’une des sociétés les plus métissées au monde. Il est vrai qu’il y a toujours des velléités de racisme relevées par exemple chez les militants de l’extrême droite française, cependant il y a aujourd’hui des images fortes et réconfortantes relevées dans une société française de plus en plus métissée composée ’enfants et d’écoliers de races, origines et confessions différentes, jouant et riant ensemble. Des clichés similaires sont retrouvés dans d’autres lieux publics et même dans les publicités. En France et dans d’autres pays européens,  il y a eu des oppositions farouches entre blancs, arabes et noirs. En Afrique, notamment au Rwanda, il y a eu des  exacerbations de ces contradictions raciales et ethnicistes.

Le monde noir continue à subir des actes de racisme, sous de nouvelles formes, avec des agressions physiques souvent perpétrées par des agents de police assermentés comme aux USA contre d’honnêtes citoyens, ou contre les sportifs noirs sur les terrains de sport,  comment jugez-vous cette situation ?

Je pense qu’effectivement il y a le racisme que des individus par ignorance ou par complexe de supériorité, exercent. Il n’y a pas de différence entre eux et le reste de la société. Et il leur faut du temps, qu’ils voyagent, qu’ils lisent, qu’ils s’instruisent  et qu’ils côtoient des étrangers pour qu’ils puissent se rendre compte qu’on est à peu près les mêmes. On continue de travailler là-dessus. C’est le cas depuis 40 ans avec SOS racisme en France avec une stratégie de conscientisation appropriée.

 Malheureusement il y a des cas de racisme systémiques comme aux Etats Unis d’Amérique illustrés par les atrocités d’un policier sur l’afro américain Georges Floyd. Il faut nécessairement des sanctions comme celle-là prise aux Etats Unis d’Amérique par les autorités compétentes sur l’affaire Floyd. Ce racisme systémique est retrouvé au niveau des administrations, sur les terrains du sport  ou des fonctionnaires et sportifs sont objets de discriminations et de propos racistes du faite de la couleur de leur peau.

Face à ces différentes crises relevées un peu partout dans le monde, nous comptons ainsi organiser au mois d’octobre prochain à Dakar une grande rencontre mondiale, qui marque les 40 ans d’existence de SOS racisme. Un événement qui réunira des militants, experts du monde entier, les grandes institutions, les compétences juridictionnelles et policières qui devront davantage redéfinir les différentes problématiques autour du combat contre le racisme, afin d’essayer de leur trouver des pistes de solutions idoines, profitables à tous.

Quel regard portez-vous sur les pays du nord qui sont envahis par des migrants ?

Moi d’abord je ne parle pas d’invasion. Je dirai simplement qu’il y a un phénomène naturel  qui concerne tous les pays et tous les continents. Le phénomène s’est accentué. On n’avait noté qu’au Sénégal la présence des français mais aujourd’hui il y a davantage l’arrivée des turques, des asiatiques et le phénomène est constatable dans le reste du continent.

L’on se pose aussi la question de savoir pourquoi il y a problème lorsque les africains se déplacent ailleurs alors que leurs propres pays continuent d’être envahis par les étrangers où ils trouvent un environnement des affaires propices pour faire fructifier leurs commerce. Il faut aussi relever que les déplacements des africains au sein du continent sont plus importants que ceux opérés vers l’étranger.

Devant la perte de nos enfants qui bravent des aventures incertaines et la déperdition de nos intelligences, il appartient aux autorités compétentes du continent de créer les conditions matérielles nécessaires dans le continent pour fixer notre jeunesse et notre bras valides. J’ai eu moi-même à proposer la création d’un service civique mixte national qui va permettre en six mois ou un an à former les jeunes pour apprendre un métier. Ce serait dommage que dans un pays comme le Sénégal qui a découvert le pétrole et le gaz les jeunes ne soient pas formés à ces métiers et que les grands bénéficiaires de ces richesses soient les étrangers.

Quels sont selon vous les stratégies à mettre en place pour stabiliser les jeunes dans leurs pays d’origine ?

Il s’agit d’abord de ne plus se contenter de former des littéraires mais plutôt de s’atteler à des formations scientifiques et techniques pour être en phase avec des exigences de l’heure. Il importe aussi de développer et de faire la promotion des activités du secteur primaire particulièrement l’agriculture pour relever le défi de l’autosuffisance alimentaire et ne point dépendre de l’extérieur pour vivre. Dans ce secteur nos jeunes trouveront suffisamment d’emplois et seront fixés dans leurs terroirs.

Nous avons personnellement en tant qu’ambassadeur itinérant auprès du président Macky Sall développé quelques stratégies relatives à la formation civique dans le cadre de la stabilité de notre jeunesse. Dans cette perspective il faut aussi nécessairement pouvoir exploiter judicieusement tout le potentiel de notre population majoritairement jeune dans les métiers d’avenir et l’économie numérique. Voilà un terreau fertile qui pourrait davantage être une grande source d’épanouissement socio-économique pour notre jeunesse qui serait ainsi moins encline à se faire une autre vie ailleurs.

Propos recueillis par Cheikh Tidiane MBENGUE

  